EN MER AVEC LES CONTAINERS
Quitter le quotidien pour un trajet nouveau
Et s’embarquer curieux vers de lointains fuseaux
Tel fut mon projet qui prit forme en bateau
Et m’offrit beaux spectacles du haut d’un grand château.
Tous mes papiers en règle, un sac sur le dos,
J’arrivais à Montoir, impatience crescendo
Attendant sur le quai ce navire aux sept ponts
Qui du grand Atlantique m’offrirait les balcons
En cabine installé, je vis grues et portiques
Entamer sous mes yeux un ballet fantastique
Comme affamés s’abattre de leurs griffes métalliques
Sur ces «boites à produits» oh combien hermétiques.
Les marins à leur poste, commandant en passerelle
Timonier à la barre et pilote aux jumelles
Le grand navire s’éloigne, aux ordres très fidèles
D’officiers d’expérience qui en manoeuvres excellent.
A bâbord évanouie, la côte est déjà loin
En virant vers le large, déjà faisons le point
L’océan gigantesque ouvre ses horizons
Aux containers nombreux qui sont nos cargaisons.
L’équipage est sourire qui m’accueille invité
Et me parle du métier avec grande fierté
Embarqué pour des mois, en belle liberté
Prêt à tout affronter jusqu’aux mers démontées
Sur les coursives étroites, entre élingues et cordages
J’observe l’océan où nombreux firent naufrage
Bien ou mal commandés, exposés au carnage
Loin des leurs et du Roi, ils montrèrent leur courage.
Heureux comme marins qui voguent hors du temps
Et ne sont plus guerriers mais bien sages marchands,
Guettant pourtant la terre et ses beaux goélands
Quand langueur s’installe sous les soleils brûlants.
L’étrave du géant fend les vagues enlacées
Sur le chemin marin sans l’allure forcer
Entre abysses et grands fonds, des sirènes nul ne sait
Le navire se propulse, par les brises caressé.
Sur les ponts empilés, trônent mille containers
Remplis jusqu’à plus soif de produits d’outre-mer
Que dans un port lointain ont chargé les dockers,
Avant que d’affronter embruns d’étés d’hivers.
Au couchant disparait l’horizon infini
L’océan semble vide, de la vie un déni
La coursive est déserte, le silence est béni
Une douce torpeur l’équipage réunit.
Au milieu de nulle part, sommes-nous quelque part
Sachons perdre repères en prenant le départ,
L’océan a cent temps, à ses heures bien bavard,
qui sait l’observer avec de grands égards.
Passagers de la vie embarqués vers six terres,
Sur la mer infinie vivez d’autres mystères
Fuyez les vagues à l’âme vers d’autres hémisphères
Et sur un grand navire laissez-vous donc faire.
Michel A (Juin 2017)